Contes n°4

Le revolver de Pau

Miguel Márquez était un véritable gladiateur en piste. Ce petit homme au courage insensé vivait avec l’ex-épouse du coureur cycliste luxembourgeois Charly Gaul, une maîtresse femme, plus forte qu’un bœuf. Au fil des ans, le couple se mit à battre de l’aile. Ils se disputaient et les voisins apercevaient souvent Miguel poursuivi par sa douce qui le coursait dans le jardin de la villa de Fuengirola, un rouleau à pâtisserie entre les mains.
Terrorisé, Márquez ne dormait plus, craignant qu’elle ne l’assomme définitivement dans son sommeil.
Profitant d’une corrida en France (Dax, Pâques 1969, toros d’Aguirre), il charge son valet d’épée de lui trouver un pistolet. Au cas où…
À l’évidence, son majordome n’avait aucune envie d’être complice de cet achat. Il en parle à son second, l’aide valet d’épée, et tous deux montent une combine pour revenir bredouilles. Les voilà partis à Pau le dimanche matin, à faire le tour des armureries, closes bien sûr.
Le maestro leur sonnera les cloches puis finira par oublier son désir de revolver. À l’automne, après une temporada épuisante, Miguel Márquez rentre au bercail et les poursuites reprennent de plus belle.
Entre-temps, le coureur automobile anglais Graham Hill a acheté la villa d’à côté. Et l’on voyait trois fois par semaine le matador sauter la murette pour aller se réfugier chez son pote Graham. Ils ouvraient une bouteille de scotch, refaisaient le monde, puis, au milieu de la nuit, partaient se coucher dans une chambre à lits jumeaux.
Miguel Marquez Martin, né à Fuengirola (Malaga) le 5 janvier 1946. Alternative à Malaga le 3 mars 1968 avec Antonio Ordoñez et Miguelin. Toros de Carlos Nuñez. Meurt d’un infarctus le 27 mars 2007 en toréant une vache chez la famille Galan.

 Vincent Bourg « Zocato »